Vous n’avez pas pu passer à côté ces derniers mois, le projet de budget 2025 du gouvernement a connu quelques heures mouvementées. Et si, comme à l’accoutumée, la version adoptée entraîne plusieurs changements au sein de l’État, elle apporte aussi son lot de nouveautés pour les auto-entrepreneurs, en particulier sur le sujet de la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée). Je vous propose donc aujourd’hui de faire un tour d’horizon de cette mesure qui impactera directement votre activité si vous avez une micro-entreprise. Quels sont les tenants et aboutissants de cette réforme ? Quels seuils sont concernés ? Comment s’y préparer efficacement ?
Que prévoit le budget 2025 pour les auto-entreprises ?
Le nouveau projet du budget présenté par le gouvernement introduit plusieurs changements notables pour les auto-entrepreneurs, à commencer par la mesure qui a fait le plus de bruit : l’abaissement du seuil de la TVA à compter du 1er janvier 2025.
Concrètement, il s’agit de passer le seuil d’exonération de la TVA de toutes les micro-entreprises à 25 000 € de chiffre d’affaires annuel, contre les 37 500 € habituels des prestations de services et les 85 000 € des activités commerciales. Inutile de le dire, la mesure a pour but d’englober beaucoup plus d’auto-entrepreneurs.
Évidemment, un changement aussi conséquent n’est pas resté sans réponse du côté des principaux concernés. Et suite au tollé médiatique et populaire provoqué par cette annonce, le gouvernement a dans un premier temps décidé de suspendre la mesure jusqu’au 1er mars 2025, l’idée étant d’entamer des discussions avec les différents représentants du secteur, fédérations de micro-entrepreneurs, et organisations patronales. Mais à défaut d’avoir trouvé un terrain d’entente, la mesure a de nouveau été suspendue jusqu’au 1er juin 2025. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant des actualités à ce sujet.
Quels impacts directs pour une activité d’auto-entrepreneur ?
Si la mesure est finalement validée, la baisse du seuil aura bien sûr des conséquences immédiates et importantes sur votre activité d’auto-entrepreneur.
Pour commencer, cela va inévitablement changer votre tarification, puisque dès que vous franchirez le seuil de 25 000 € de chiffre d’affaires, vous devrez appliquer la TVA sur vos factures. Or, vos tarifs augmenteront mécaniquement de 20 %, sauf si vous absorbez cette hausse en réduisant votre marge.
Vous serez aussi confronté à plus de démarches administratives, notamment comptables, puisque vous devrez déclarer périodiquement la TVA collectée et la reverser à l’État. Autant de formalités qui peuvent paraître complexes si vous êtes peu habitué à ce type de contraintes. Néanmoins, si je peux vous rassurer, vous prendrez le pli. Une proche amie est passée à la TVA pour son activité en novembre 2023, et une fois les premiers maux de tête passés, elle s’en est sortie sans problème. Aujourd’hui, je suis sûr qu’elle pourrait même les faire les yeux fermés. Il n’y a rien de réellement compliqué si vous tenez un tableau comptable à jour.
Et c’est justement mon troisième point : la gestion de votre trésorerie. Parce qu’effectivement, il ne s’agit plus de seulement noter les paiements reçus. Dès que vous serez assujetti à la TVA, vous devrez intégrer cette dernière dans vos flux financiers, en particulier si vous voulez éviter de passer des heures à auditer vos factures au moment de vos déclarations.
Pourquoi une telle réforme contre la micro-entreprise ?
Le message est clair, le gouvernement veut rééquilibrer les conditions de concurrence entre les différents statuts juridiques qui existent en France. Les artisans et indépendants assujettis à la TVA dès le premier euro critiquaient depuis longtemps ce qu’ils considèrent comme une concurrence déloyale des auto-entrepreneurs exonérés de cette taxe.
Par exemple, un consultant ou un graphiste sous le statut de l’auto-entreprise peut jusqu’ici proposer des tarifs significativement inférieurs à ceux d’une société classique, créant au passage une distorsion du marché. Mais pour la FNAE (Fédération Nationale des Auto-entrepreneurs), c’est non seulement un faux problème qui n’a pas lieu d’être, car les auto-entrepreneurs travaillent rarement pour les mêmes cibles que les sociétés, mais surtout, un abaissement du seuil de la TVA risquerait d’augmenter le travail au noir. Une telle réforme aurait donc des conséquences financières (et sociales) très négatives pour l’État.
Qui seront les auto-entrepreneurs les plus impactés ?
Cela va sans dire, certaines auto-entreprises seront plus impactées que d’autres par ce changement.
Bien entendu, cela touchera tout particulièrement les freelances et consultants indépendants qui travaillent majoritairement pour des particuliers ou des entreprises qui ne sont pas elles-mêmes assujetties à la TVA (professionnels du coaching, du graphisme, du marketing, de l’informatique, etc.), puisqu’ils vont devoir intégrer ladite TVA dans leurs tarifs. Et par extension, les activités de services à la personne, que ce soit dans le domaine du coaching, de l’aide à domicile ou du bien-être, verront aussi leur compétitivité très amoindrie.
N’oublions pas non plus les artisans (plombiers, électriciens et autres métiers manuels) pour qui l’actuel seuil de TVA (avant changement, donc) permet d’être plus compétitif face à des entreprises concurrentes (en SARL, EURL, etc.) mieux établies et plus rassurantes au premier abord.
Cette réforme a-t-elle des avantages pour les auto-entrepreneurs ?
Parce que j’aime bien voir le verre à moitié plein, je trouve important de préciser que, malgré son caractère controversé, une telle réforme peut présenter quelques avantages pour les entrepreneurs qui sauraient en tirer parti.
D’une part, les auto-entreprises pourraient voir leur crédibilité renforcée, puisque certains clients percevront cette TVA comme un signe de réussite et donc comme un indicateur du sérieux de leur interlocuteur.
D’autre part, être assujetti à la TVA, y compris en auto-entreprise, permet de déduire ladite TVA sur les achats. Je m’explique. Si vous êtes soumis à la TVA et que vous avez besoin d’acheter un nouvel ordinateur pour votre activité professionnelle, vous pourrez déduire la TVA que vous avez payée de la TVA collectée à redonner à l’État. C’est le principe du crédit de TVA. Les auto-entrepreneurs qui ont des dépenses significatives en matériel, services numériques ou publicité tireront donc certains bénéfices de cette nouvelle mesure.
Comment bien se préparer à l’éventuelle validation de la mesure ?
Même si la réforme n’est pas encore actée, elle le sera peut-être d’ici le 1er juin 2025. Par conséquent, il n’est pas inutile de vous préparer à cette transition.
Déjà, évaluez votre chiffre d’affaires pour anticiper le franchissement du plafond de 25 000 €. Si vous vous en approchez dangereusement, mieux vaut prendre tous les renseignements nécessaires pour préparer à l’avance votre transition vers la TVA.
Ensuite, n’hésitez pas à revoir votre tarification. Pour éviter une hausse brutale de vos prix, réfléchissez à la manière dont vous pouvez répercuter progressivement l’intégration de la TVA auprès de vos clients.
Dans la même veine, c’est le moment d’adopter un outil de gestion si ce n’est pas déjà fait, car cela vous facilitera la vie pour votre facturation (surtout avec l’arrivée des factures électroniques) et vos déclarations.
Et puis, si tout cela reste flou, rapprochez-vous d’un professionnel, comme un expert-comptable, ou même des réseaux spécialisés comme la FNAE, afin de bénéficier de conseils pratiques pour adopter les bons réflexes administratifs et fiscaux.
Est-ce la fin de la micro-entreprise ?
Même si beaucoup de gens sont alarmistes sur les réseaux sociaux, je ne pense pas que cette réforme signe la mort de la micro-entreprise. Beaucoup d’auto-entrepreneurs autour de moi n’ont jamais autant travaillé que depuis qu’ils sont passés à la TVA (et leurs tarifs ont augmenté, car ils n’ont pas absorbé la hausse). Il est donc tout à fait possible de développer son activité tout en faisant face à cette contrainte comptable.
Et puis, n’oublions pas que selon l’URSSAF, la majorité des micros-entrepreneurs génère un chiffre d’affaires annuel inférieur à 20 000 €. Autrement dit, cette nouvelle obligation ne concernera qu’une minorité d’auto-entreprise.
Il me semble important de mettre en lumière un aspect capital pour nuancer le catastrophisme ambiant. En effet, le statut de la micro-entreprise restera, quoi qu’il arrive, la meilleure option pour démarrer une activité avec peu de moyens ou dont la croissance reste modérée. Si la stabilité de votre activité est actée et que celle-ci se développe fortement, ce changement peut être l’occasion idéale de réfléchir à un nouveau statut juridique plus adapté et avantageux à long terme, comme une SASU ou une EURL.
Pour conclure sur la question du budget 2025 et de l’abaissement du seuil de la TVA, il paraît clair que le gouvernement souhaite opérer un virage dans la gestion fiscale des indépendants. Si la mesure est adoptée à compter du 1er juin 2025, elle impactera inévitablement toutes les auto-entreprises qui s’approchent déjà du plafond défini. Mais pas de panique, car à mon sens, le pessimisme n’a pas lieu d’être, surtout si vous anticipez et adaptez votre stratégie dès maintenant. Après tout, c’est peut-être le moment de transformer cette future contrainte en opportunité pour professionnaliser davantage votre activité ?
